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Twitter est de plus en plus souvent un invité à part entière des conférences professionnelles et académiques. Et un invité plutôt intime ! En effet, en plus de se créer et de communiquer un hashtag officiel pour Twitter, certaines conférences vont jusqu’à projeter le flux d’actualités correspondant à ce hashtag à côté de la présentation de l’orateur (cf. backchannel). Ainsi, les auditeurs réagissent, partagent, rendent compte, en direct et publiquement, pendant le discours. C’est du « live tweeting ».
Mais à quoi cela sert-il vraiment ?
1. Créer un compte-rendu (très) synthétique pour les absents
Beaucoup de tweets reprennent une idée ou une citation de la conférence, sur le vif, et la communiquent ainsi, en 140 caractères et décontextualisée. Dans ce cas, cela ne fait que peu de sens de projeter aux yeux des présents le fruit d’une volonté manifeste de rendre compte. Au final, la somme de ces tweets forme donc un compte-rendu en petits morceaux, un peu comme un puzzle à reconstruire et dont il manque forcément quelques pièces. Sur cette base, les absents prennent-ils réellement le temps de reconstituer (ou de suivre) la conférence ? Ne préféreraient-ils pas, s’ils étaient vraiment intéressés, un compte-rendu complet et structuré, à défaut d’être instantané ? Oui, le direct, le synchrone, est à la mode, et les conférences se font tellement nombreuses qu’on n’a plus le temps d’en établir des comptes-rendus…
2. Partager des contenus incontournables
Souvent, les participants publient un lien qui leur semble essentiel, en rapport avec le sujet de la conférence. Mais qui aura le temps de lire un article scientifique ou un billet de blog, tout en écoutant l’orateur (et en suivant le flux Twitter bien sûr) ? La référence n’est pas perdue, mais les personnes vraiment intéressées devront sans doute rechercher ultérieurement ces contenus parmi la pléthore de tweets.
3. Immortaliser la conférence en images
Il est d’usage de publier des photographies du conférencier ou d’une diapositive particulière de la présentation. Les absents réellement intéressés ne préféreront-ils pas consulter la présentation dans son intégralité sur le web plutôt qu’une image pixelisée ?
4. Montrer et connecter les participants
Le flux de tweets projeté a l’avantage de faire connaître les participants entre eux, de manière virtuelle bien sûr (le contact humain est devenu un mythe depuis l’avènement du web). Ils peuvent ainsi commenter, critiquer, plaisanter. Mais attention ! Impossible d’échanger un avis critique en chuchotant, comme on le ferait à la pause café entre personnes réelles : la conversation est suivie par tous les participants, exposée sur le web aux yeux du monde entier, et sera peut-être même archivée par les organisateurs de la conférence !
Une image sombre
Quelques jours après la conférence, on consulte à nouveau le flux de tweets, par devoir plus que par intérêt. Qu’y découvre-t-on ? Un amas de messages sans queue ni tête, où seuls un voire deux liens valent la peine d’être consultés. Plus de bruit que de pertinence. Perplexité.
Avec le recul, on constate que les contenus des tweets semblent souvent traduire l’ennui des auditeurs plutôt que leur intérêt pour le discours. Twitter est alors un excellent moyen de se distraire, en testant par exemple les fonctionnalités de son nouveau smartphone. Allez, une petite photo avec mon super 36 mégapixels, je la partage et génial ! elle s’affiche sur le mur ! La cyberdépendance est souvent une conséquence de l’ennui des gens; plutôt que de rêver en regardant par la fenêtre quelques minutes, ils pianotent frénétiquement sur leurs appareils électroniques sans pouvoir s’en détacher. Ils « errent » en quelque sorte, vérifiant toutes les cinq minutes leurs boîtes mails… et rédigeant des tweets.
La platitude des contenus publiés reflète peut-être également, au-delà du simple besoin de divertissement des participants, une volonté de se mettre en avant. Les plus jeunes utilisent fréquemment Facebook pour afficher et raconter leurs vies privées dans leurs moindres détails. De même, les professionnels semblent parfois faire un usage similaire de Twitter, en exposant aux yeux de tous des opinions intellectuelles… et en montrant qu’ils ont participé à telle conférence par la multiplication du hashtag en question.
Et que retient-on, au final, de la conférence ? Que malgré les 36 mégapixels, la photo est toujours trop sombre…
// Nicolas Prongué
Christophe Bezençon a dit:
Mais finalement n’est-ce pas le reflet de ce qu’est Twitter? Beaucoup, beaucoup de tweets pour une minorité de choses réellement pertinentes. La preuve en est que mettre en fonction son compte Twitter, suivre les personnes qui vont apporter des choses nouvelles et se positionner comme un tweetos suivi prend beaucoup de temps.
Et dans le même temps, Twitter est un outil très puissant permettant de transmettre certes des informations décontextualisées et relativement brutes (difficile de faire une analyse complète en 140 caractères) mais aussi éminemment à jour et « en live ». Bref, trier l’information dans la masse, on y revient…
Stéphanie Pouchot a dit:
Il est primordial d’avoir un regard critique et réflexif sur ses pratiques, particulièrement au niveau master : merci, donc, pour ce billet. Voici les quelques remarques qu’il m’inspire.
Twitter ne peut évidemment suffire à établir le compte-rendu d’une manifestation : c’est la complémentarité et l’articulation avec d’autres médias qui me paraît pertinente. C’est pourquoi des billets sur le séminaire sont publiés ici. Vous avez bien sûr toute latitude pour soumettre un compte rendu plus détaillé et plus conforme aux standards habituels dans une revue comme RESSI par exemple.
Il me semble par ailleurs que l’utilité du livetweeting -qui, plus qu’une façon de tromper son ennui peut au contraire illustrer l’intérêt porté aux conférenciers et à leurs propos- réside également dans la visibilité et la création de liens. Ici, cette visibilité ne concerne pas uniquement celle de quelques twittos égocentrés mais bien celle de votre master, de vos centres d’intérêt et domaines de compétences.
D’expérience, cette nouvelle forme de présence en ligne est également utile aux orateurs : les hashtags utilisés et tweets postés leur permettent de mieux connaître au moins une partie de leur auditoire, de savoir à qui ils ont parlé et d’éventuellement maintenir le contact par la suite. Et pour les personnes de l’assistance souhaitant conserver une partie d’échanges écrits plus « intimes », la fonction DM (messages privés) de Twitter est tout à fait indiquée.
En termes de contenus complémentaires, les liens et images partagés viennent justement contextualiser le propos : il ne s’agit bien évidemment pas de se disperser pendant les exposés en lisant tel article ou telle thèse mais de pouvoir y revenir par la suite. Une bonne gestion de ses favoris Twitter permet de s’y retrouver très facilement et rapidement.
Bref, j’ai tendance à penser qu’il faut prendre la pratique du livetwitting comme ce qu’elle est et voir plus loin que le bout de son tweet : elle permet d’obtenir un instantané qui ne peut se suffire à lui-même mais qui autorise des prolongements jusque-là plus compliqués à mettre en œuvre.
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